samedi 17 août 2019

10 mois plus tard : l'Embrunman


Avril 2018, dernier dîner (un peu arrosé) du stage RMA à Banyoles. Quelqu’un (c’était moi ?) lance une idée : la course club 2019 sera Embrun, le mythe. Colas crée le groupe Whatsapp (et tout le monde sait que c’est le premier pas vers une course) le 11 mai, soit 15 mois avant le jour J !

Octobre 2018, après mon malaise à Kona, j’ai quelques heures de doute, mais avant de rentrer en France, je sais que ma prochaine grande course va être Embrun (voir ici). Mais pas toute seule, cette fois-ci.

15 décembre 2018 : à l’ouverture des inscriptions, je paye ma place et au fur et à mesure, 9 copains cliquent sur « Je m’inscris »….c’est vraiment parti !

Chacun commence la préparation comme il peut, en jonglant entre boulot, famille et le reste de la vie; les derniers mois on s’organise pour la préparation spécifique. Des sorties longues à la recherche de nouveaux parcours (et du dénivelé), un magnifique week-end dans le Morvan (où rien n’est plat), un long week-end dans le Pays Basque et surtout 4 jours de réco sur place, guidés par M Patoche, notre roi d’Embrun. Nous reconnaissons le parcours vélo et course à pied, on note les conseils de ceux qui l’ont déjà fait, on admire les magnifiques paysages : ça va être dur, mais la beauté de ces montagnes nous fera oublier la souffrance. Et surtout, peu importe l’issue de la course, on sera heureux d’avoir partagé cette préparation.

On arrive sur place en ordre dispersé : on se retrouve pour passer ensemble la dernière journée. On est concentré, mais la tension est beaucoup plus supportable quand elle est partagée…On reçoit des messages d’encouragement qui font chaud au cœur et qui nous donnerons le courage d’avancer.

Ensuite tout s’enchaîne très vite et il est déjà 5h35 de ce 15 août 2019 tant attendu : mon départ approche. Je vais voir les garçons pour leur souhaiter une bonne journée, une bise à chacun et je vais, avec les autres 80 filles, sur la plage pour partir (10’ avant les hommes) dans la nuit noire.

Un bateau nous guide, mais assez rapidement, il est trop loin (devant les premières filles) et nous devons nous débrouiller pour trouver la bouée suivante. Les trajectoires de ce premier tour (qui dure bien longtemps) ne doivent pas être terribles, heureusement il commence à faire jour et les premiers garçons nous rattrapent : sur le deuxième tour, il est plus facile de nager correctement et cela passe plus vite. En sortant de l’eau, je me retourne et je vois Geoffray : comme prévu, il a nagé 10’ plus vite que moi.

Ça commence toute de suite avec une belle montée (on est bien à Embrun) que je sais durer environ 30’. Je me mets en mode course en me répétant les conseils des experts : jamais dans le rouge, plutôt dans le vert, cardio sous contrôle, on gère les montées et "on utilise le terrain pour prendre de la vitesse gratuite" (cit. Patoche). Je vois les premiers supporter à la sortie du parc puis mon père et Stef sur le premier virage : ça me fait plaisir. Je me sens bien et je me permets de lever les yeux pour admirer la beauté des montagnes au soleil levant : la descente vers Savines est magnifique.

J’ai attaché mon plan de nutrition à mon vélo : comme je connais le parcours, au lieu de mettre le km ou le temps, j’ai choisi des endroits où je sais qu’il est facile de se nourrir. Pour la boisson, je bois scrupuleusement toutes les 15’, même si en début de course, il fait frais et je n’ai pas soif.
A Guillestre, je vois au loin des jambes fines et musclées sur le côté de la route : je reconnais notre super Aurélia qui est venue à vélo nous supporter. Je l’appelle et elle m’encourage, avec son magnifique sourire.
Au km 85, on arrive finalement au début de l’Izoard : j’ai 18 minutes d’avance sur les temps de passage pour finir en 8h, je peux gérer la montée. Je me rappelle les mots de Valentine : « que la force des montagnes soit avec toi….». Naturellement, on se met deux par deux et on échange quelques mots pour faire passer le temps : je passe un peu de temps avec Julien qui a des supporters qui le suivent en voiture et qui m’encouragent aussi et avec Jérémy (puisqu'il s’appelle comme mon vélo : quand je lui dis, il me prend pour une folle…).
Je me sens bien, tous les paramètres (cardio et cuisses) sont sous contrôle  et les km défilent. J’attends de voir surgir Hugues qui, d’après nos calculs, devrait me rattraper en ce moment de la course. Et il arrive bien à 2 km du sommet : on les grimpe à coté, en papotant (enfin, surtout lui), sans plus savoir si on est en course ou si c’est juste un énième entrainement. On arrive ensemble au sommet, tout un symbole.
Comme prévu, je fais une pause « pique-nique (on pouvait récupérer un sac avec nos ravito au sommet) & pipi ». On repart sur la descente : Hugues m’attend, il veut peut-être prendre une glace à Briançon (là où l’on s’était arrêté lors de la réco) ? Quand il faut recommencer à appuyer, je le laisse partir : c’est mieux pour lui (il ira plus vite) et pour moi (j’évite de me griller) surtout qu’on commence à « profiter » du vent qui souffle toujours contre nous dans ce secteur.

La prochaine échéance, c’est le mur du Pallon, une jolie montée de 1,8 km à 12% de moyenne au km 140. Justine et Yanis sont en place et nous accompagnent sur quelques dizaines de mètres (on court plus vite qu’on roule quand la pente se fait raide) : ils auront leur dose d’entrainement en côte ! Je profite pour demander des nouvelles des copains : tout le monde avance bien, ça me booste encore plus….A l’approche de l’aérodrome, je vois les drapeaux qui flottent au vent, je sais donc qu’après le virage, j’aurai ma dose de « Lanzarote » et je ne serai pas déçue…Je me mets sur les prolongateurs, c’est inutile de lutter contre le vent, il faut patienter et se dire « le vent est mon ami », au moins jusqu’à Embrun.
Sur les balcons de la Durance, je retrouve Aurélia qui fait des aller-retours à vélo pour nous filmer : c’est génial, on est des privilégiés ! Il ne reste qu’une dernière difficulté, la montée du Chalvet, juste avant l’arrivée. En bas, j’ai encore environ 8’ d’avance sur le temps de passage, je décide de prendre mon temps, même si j’ai envie de descendre de mon vélo (désolée Jérémy, mais ça commence à faire long). On croise les premiers qui sont déjà sur la course à pied et j’ai le plaisir d’encourager Romain Guillaume, athlète pro du club local et mon chouchou (très mignon et bien sympa). Je regarde le chrono, je calcule que je vais mettre 2'-3’ de plus que lors de la réco, je reste donc patiente en me disant que, inexorablement, le temps va finir par passer ! L’arrivée en haut est un soulagement : plus qu’une petite (mais dangereuse) descente et c’est…le marathon ! Je termine le vélo en 7h54 (dont 5’ de pique-nique à l’Izoard), objectif optimiste dépassé !
En passant la ligne, le speaker voit mon nom et me dit que Pauline m’encourage : j’hallucine et ça me fait énormément plaisir !
Les aléas sont terminés : il n’y a plus de risque de défaillance mécanique. Maintenant, arriver au bout ne dépend que de moi.

A la transition, je me fais masser quelques minutes les cuisses et les mollets : ça fait du bien et en partant je sens toute de suite que les jambes tiennent. Les muscles sont fatigués, mais il n’y a aucun douleur parasite : je vais courir sans montre, aux sensations (c'est ce qu’il me réussit le mieux sur les courses). Je vois Colas quelques centaines de mètres derrière moi : il a dû faire un vélo de malade, notre colombien !

Je découpe le tour dans ma tête : au km 4, à la montée de Chamois (puisqu’à Embrun, on monte aussi pendant la CAP) Stef et Alberto seront là, puis Aziz et Alfia à la gare, ma mère, Claudine, Justine, Aurélia et Yanis je ne sais pas encore où, ça sera la surprise…
Mon plan nutrition est simple : de l’eau régulièrement (il fait chaud à 15h), un gel toutes les 7 km et du Coca au troisième tour.
Les supporters sont bien à leurs places et m’encouragent, chacun dans son style : c’est assez rigolo de voir les différentes approches. Mon père me dit de prendre mon temps, Aziz que j’ai une belle foulée (menteur : même sans être fatiguée, ma foulée est moche !), Aurélia fait la hola, Justine me demande si tout va bien, ma mère crie, Claudine agite le drapeau, Stef cadre la photo….
Le premier tour est sans doute le plus long psychologiquement surtout que lors de la reconnaissance, il nous manquait le petit tour dans le p@#{\^ de parking (comme dirait Stéphane S). Le retour sur la digue est long, mais comme on y avait fait une séance très dure en juillet, je le trouve finalement bien facile (merci @Patoche).
A la fin du tour, je vois sur la ligne d’arrivée que je suis à 10h37 de course, un calcul rapide (pas tant que ça, vu mon état de fatigue) me fait dire que j’ai 3h23 pour faire 28 km et remplir mon objectif (sub 14h) : c’est très large, il faut trouver un autre objectif pour ne pas s’endormir….Le coach Greg avait fait 13h40, voilà le nouvel objectif.

Étonnamment le deuxième tour se passe facilement, j’ai mes repères, je retrouve les supporters, toujours aucune douleur, c’est juste le corps qui voudrait s’arrêter, mais la tête est encore plus forte. Je commence à doubler pas mal de monde : au fur et à mesure, il y a de plus en plus de gens qui marchent.
Je demande des nouvelles des copains (j’en ai croisé quelques-uns mais pas tous) : tout le monde avance tant bien que mal, mais aucun risque d’abandon pour l’instant. A la fin du deuxième tour, je fais un calcul (encore une fois, pas très rapide) : j’ai couru les 14 km du deuxième tour en 1h23, j’en suis à 12h de course, j’ai dépassé le km 27 (mon abandon à Kona) : tout est sous contrôle.
A la moitié du tour, je m’autorise à penser à la ligne d’arrivée et à la bière de la fin ; Yanis m’accompagne un moment à vélo, me donne des nouvelles des autres (Hugues est arrivé en 12h38, le monstre) et me dit de profiter des derniers km. 
Dernier tour du p@#{\^ de parking, je vois au loin le tapis bleu et la ligne d’arrivée….je finis en 13h24 avec un marathon en 4h06, bien mieux des mes projections les plus optimistes. 



Je suis trop fatiguée même pour pleurer….
Au fur et à mesure tout le monde arrive, une accolade pour chacun : on est tous finisher, on a fait mentir les statistiques !

Le lendemain, c'est la journée "suspendue": une journée entre rêve et réalité, le corps encore dopé à l'adrénaline et surtout le jour de "Alors, on fait quoi l'année prochaine ?". 

Merci à mes amis (triathlètes et non) pour leurs messages et leurs pensées,
Merci à Justine, Yanis, Aziz, Alfia et Aurelia, nos supporters de choc sur place,
Merci à Colas, Najim, Stéphane, Géo, Hugues, Florian, Cyprien et Arnaud qui ont partagé cette aventure avec moi.


Merci à mon papa, ma maman et à Claudine pour leur soutien indéfectible
Merci à mes enfants pour leur bienveillance
Merci à Stef d’être là, simplement